Synagogue Via Maderno
Comunità Israelita /
Jüdische Gemeinde
Via Carlo Maderno 11
6900 Lugano
Type de construction: | synagogue (en partie transformation d'une ancienne villa) |
Superficie bâtie: | 267 m2 |
Hauteur du bâtiment: | 12,5 m |
Coût: | environ 200'000 SFr. |
Opposition: | aucun |
Maître d'ouvrage: | Comunità Israelita Lugano |
Architecte: | Daniele Moroni Stampa |
Pose de la première pierre: | 1958 |
Période de construction: | environ un an et demi |
Inauguration: | 14 juin 1959 |
Tradition religieuse: | judaïsme orthodoxe (ashkénaze) |
Du début du projet jusqu'à l'inauguration: | 9 ans |
La lumière du soleil brille sur les vagues légères du lac de Lugano. C'est cependant loin de la rive que nous conduit notre chemin, direction le quartier Molino Nuovo. Nous prenons une rue très animée, la via Camunzio. Ensuite, nous continuons tout droit jusqu'au corso Pestalozzi. 300 mètres plus loin, commence la via Carlo Maderno. Sur notre gauche, après quelques immeubles d'habitation, nous remarquons un bâtiment avec de hautes fenêtres cintrées, légèrement en retrait de la rue. Constitué de deux blocs, il est recouvert d'un toit à quatre pans. Deux palmiers, à droite de la façade, donnent une ambiance tessinoise à l'ensemble.
Surmontant l'entrée, une inscription noire en écriture hébraïque et, au-dessus, deux tableaux ainsi qu'une couronne − les tables de la loi avec les dix commandements, signes de la tradition mosaïque réaffirmée ici. A droite de l'entrée, deux fenêtres cintrées, décorées de l'étoile de David (en hébreu «magen David»), occupent une grande partie de la façade. L'étoile est également reconnaissable sur les battants de la porte d'entrée en bois. Aucun doute, nous nous trouvons devant la synagogue de la Comunità Israelita Lugano.
A partir de 1915, la communauté célébrait son office religieux dans une salle de prières aménagée au-dessus d'un restaurant de la rue commerçante via Nassa. Pendant la première et la deuxième guerre mondiale, la communauté grandit avec les réfugiés juifs orthodoxes venus de Galicie et d'autres régions de l'Europe de l'Est.
En 1950, alors que la communauté comptait près de 50 foyers, on commença à planifier une synagogue plus grande. En fonction de leur capacité financière, les membres participèrent au projet et c'est ainsi qu'au milieu des années cinquante, on put acheter un terrain avec une villa sur la via Carlo Maderno. Le travail d'architecture fut confié à Daniele Moroni, architecte mais aussi conseiller des autorités pour la construction et membre du service d'entretien des monuments de 1952 à 1956. Dès lors, on en vint «sans difficulté à la construction de la synagogue», se souvient un membre de la communauté, Elio Bollag.
On transforma la villa en salles de classe et en bureaux et on construisit un deuxième bloc. Il contenait la salle de l'office religieux, l'école talmudique (bet hamidrasch) et les bains (mikwa). Le 14 juin 1959, les 250 membres de la communauté de Lugano purent inaugurer leur synagogue nouvellement construite.
D'après Elio Bollag, l'extérieur de la synagogue ne devait pas être survalorisé: «Les formes d'une synagogue ne sont pas importantes. Elle commence à vivre quand des gens l'habitent et se mettent à prier − c'est sa substance. Plus important que le bâtiment, ce sont les prières et l'étude.»
Elio Bollag est porte-parole de la Comunità Israelita. Il nous raconte qu'il a reçu une éducation religieuse et a été élevé dans la tradition orthodoxe, cependant pas aussi strictement qu'on peut se représenter cette dernière: «Je ne viens pas tous les jours, matin et soir, à la synagogue. Je viens le samedi matin, c'est le moment le plus important, et bien sûr les jours de fêtes.» Le grand-père de Bollag dirigea le premier hôtel casher de Lugano, «l'hôtel Kempler», et fut un des promoteurs de la construction de la synagogue. De ses parents, Elio Bollag reprit le magasin d'habits «Modabella» qu'il dirigea jusqu'en 1998. Ensuite, Bollag, qui se décrit comme un habitant typique de Lugano, fut actif dans le parti libéral, parti pour lequel il siégea huit ans au «consiglio communale» (conseil communal). Il travaille également comme journaliste indépendant.
C'est le 13 mars 2005, aux alentours de minuit, qu'une synagogue brûla pour la première fois en Suisse. Cette synagogue était celle de la via Carlo Maderno: un italien de 58 ans, domicilié au Tessin, jeta une bouteille incendiaire dans le sous-sol du bâtiment. Une grande partie de l'intérieur de la synagogue, en particulier la bibliothèque, fut détruite. Le magasin de textile «Buon Mercato», qui se trouve à proximité, fut également incendié. Il appartient à un membre de la communauté dont le père, Leo Rubinfeld, était un des promoteurs principaux de la synagogue. Néanmoins, ni la justice ni Elio Bollag ne voient dans l'incendie une action clairement antisémite. On accorda au criminel une responsabilité diminuée, raison pour laquelle on parla plutôt d'un «antisémitisme irrationnel». A la suite de l'incendie, de nombreuses personnes et institutions montrèrent leur solidarité envers la Comunità Israelita, de l'église aux partis, en passant par la communauté musulmane.
Deux ans avant l'incendie, la synagogue avait été maculée de croix gammées et de textes antisémites. A l'exception de ces incidents, la communauté juive de Lugano n'a jamais eu de problème, remarque Bollag. Il raconte: «Les juifs se sont toujours adaptés.» Aussi longtemps qu'il ne s'agissait pas de directives cultuelles, donc internes à la communauté, les juifs ont toujours suivi la règle suivante: «La loi du pays dans lequel tu vis est ta loi.»
Les relations avec le voisinage sont décrites par Elio Bollag comme «parfaites». Avec la commune de Lugano les relations seraient encore meilleures: «Nous sommes considérés comme des membres à part entière de la ville. La commune de Lugano nous respecte beaucoup. Lorsqu'il y a eu des guerres ou des remarques antisémites dans le monde, nous avons toujours eu le soutien de la police qui nous a protégés. La dernière fois, c'était après l'incendie de la synagogue lorsqu'on ne savait pas encore quels motifs étaient cachés derrière.» D'après Elio Bollag, l'intérêt de la population de Lugano pour la synagogue était visible le jour des portes ouvertes: «Toutes les places étaient occupées, 300 personnes sont venues voir l'intérieur de la synagogue.»
Jusqu'à l'exil babylonien (VIème siècle avant Jésus-Christ), les membres du peuple d'Israël se nomment «israélites» ou «hébreux». L'appellation «juif», employée pour tous les membres de ce peuple, a pour origine le rôle dominant de la tribu de Juda après l'exil.
Est considéré comme juif celui dont la mère est juive ou qui s'est converti à la religion juive selon les normes orthodoxes. Jusqu'aux Lumières, religion et nationalité sont fortement imbriquées. Alors qu'aujourd'hui des interprétations libérales ne relèvent du terme que son acception religieuse, la perspective sioniste met l'accent avant tout sur l'aspect national.
Dès le XVIIIème siècle, un grand nombre de mouvements se développent: face au défi de la modernité, les courants orthodoxes cherchent une réponse qui prenne en compte les conditions de vie changeantes et permette en même temps d'observer les commandements et traditions religieuses. Le judaïsme conservateur s'engage sur une voie médiane, essayant prudemment de transformer la tradition. Quant aux mouvements libéraux, ils entreprennent des réformes, comme l'égalité des sexes. Aussi, dans une paroisse libérale, des femmes rabbins ou cantors peuvent diriger l'office religieux. Parmi les autres courants, on compte le «reconstructionnisme» américain, qui substitue le concept du «peuple juif» (peoplehood) à celui de Dieu, et les chabad qui mettent l'accent sur des éléments mystiques. Ces mouvements se différencient aussi bien dans leur pratique cultuelle que dans leur attitude au sujet des questions socio-politiques.
D'après la croyance juive, Dieu a fait alliance avec le peuple d'Israël et lui a donné ses instructions (thora). Cet enseignement, considéré comme la volonté divine, est contenu dans les 613 mitzwot de la thora, 365 interdits et 248 permissions. Au centre de l'existence juive se trouve la propension à agir en conformité avec la volonté divine. En conséquence, on insiste plus sur les enseignements portant sur les expériences et les attitudes que sur la foi. D'où une réflexion continuelle sur ces instructions divines, contenue, entre autres, dans le talmud. Ce dernier renferme une collection de discussions sur l'interprétation et l'utilisation des lois bibliques ainsi que d'innombrables thèmes et questions. Ceux-ci furent initialement abordés par les rabbins des maisons d'enseignement de Jérusalem et Babylone et furent poursuivis pendant des siècles. La loi juive, la halakha, est étroitement liée à la pratique rabbinique d'interprétation qui intègre continuellement les changements dans les conditions de vie. La promesse du retour d'un roi oint (messie) de la lignée de David appartient également aux croyances juives. On lie à cet événement l'avènement de la paix universelle et le règne de Dieu.
Jusqu'à la période contemporaine, la communauté juive d'Europe de l'Est se développa et devint la colonie juive la plus importante numériquement parlant. Les juifs de l'Est, les ashkénazes, ont fortement influencé l'image du judaïsme. En Europe de l'Ouest, cette dernière était souvent associée à des jugements négatifs.
En Suisse, les juifs constituent la plus ancienne communauté religieuse non chrétienne. Leur présence à l'époque romaine déjà est attestée par des découvertes archéologiques. Au XIIIème siècle, des communautés juives s'installent à Lucerne, Berne, St-Gall et Zurich. Comme dans le reste de l'Europe, les juifs sont discriminés à de nombreux niveaux. Ils doivent porter un chapeau particulier, n'ont pas le droit d'être artisans et sont tenus par la loi de pratiquer le prêt d'argent, interdit aux chrétiens. Durant la deuxième guerre mondiale, la politique d'asile des autorités suisses est des plus restrictives, les réfugiés qui trouvent cependant asile en Suisse (environ 25'000) sont internés dans des camps de travail.
De tous les groupes religieux de Suisse, les juifs comptent, avec 42.7%, le plus grand nombre de personnes ayant fait des études supérieures (moyenne dans la population suisse 19.2 %). Le judaïsme suisse est urbain, les communautés de Zurich et Genève représentant à elles seules 42 % de 18'000 personnes appartenant au judaïsme. Quatre cinquièmes de ces dernières (78.8 %) sont des citoyens suisses. Depuis la première guerre mondiale le nombre de juifs a beaucoup baissé en Suisse. Dans le monde, on compte 13.3 millions de juifs, dont la plupart (10.7 millions) vivent aux USA et en Israël.
Liens
Féderation suisse des communautés israélites
Synagogues et communautés juives en Suisse
Judaïsme en Suisse