Synagogue Agudas Achim
Synagoge Agudas Achim
Erikastrasse 8
8003 Zürich
Type de construction: | Synagogue |
Superficie bâtie: | environ 216 m2 |
Hauteur du bâtiment: | environ 15 m |
Coût: | pas d'information |
Opposition: | pas d'information |
Maître d'ouvrage: | Jüdische Gemeinde Agudas Achim |
Architecte: | Walter Sonanini |
Pose de la première pierre: | 12 octobre 1959 |
Période de construction: | 6 mois |
Inauguration: | 26 mars 1960 |
Tradition religieuse: | judaïsme est-européen (ashkénaze) |
Du début du projet jusqu'à l'inauguration: | environ 16 ans |
Zurich-Aussersihl. Dans l'ancien quartier ouvrier, la Weststrasse est parcourue par un intense trafic. Ici et là, nous croisons des personnes vêtues de l'habit traditionnel orthodoxe, les hassidim. A hauteur de la Erikastrasse, nous remarquons à notre droite un bâtiment, pourvu de deux entrées et visiblement très fréquenté : la synagogue de la communauté juive ashkénaze Agudas Achim («communauté des frères»). La porte donnant sur la Weststrasse est à peine visible. C'est l'entrée du «esrat nashim», la galerie des femmes. L'entrée des hommes se trouve à la jonction entre la Weststrasse et la Erikastrasse. La porte est couverte par un simple avant-toit de béton au-dessus duquel sont représentées les tables de la loi, en écriture hébraïque. La façade est constituée de hautes fenêtres en verre blindé, comme nous l'apprendrons plus tard. De forme cubique et de style simple, la synagogue a l'aspect d'un bâtiment fonctionnel. Le bâtiment doit être construit à proximité des croyants même si, pour ce faire, il doit se trouver sur la Weststrasse avec son important trafic.
C'est au tournant du siècle passé que des juifs orthodoxes venus de Pologne, de Russie et des états Baltes s'établissent à Zurich-Aussersihl. Les nécessités économiques et les persécutions avaient rendu l'accès à une bonne éducation impossible à la plupart d'entre eux. Issus d'une couche sociale relativement basse, ils s'installèrent dans le quartier ouvrier du quatrième arrondissement de Zurich. Au cours du temps, ces juifs de l'Est aménagèrent des locaux de prières sur la Müllerstrasse, la Dienerstrasse, la Kanzlerstrasse, la Anwandstrasse et également la Erikastrasse.
Eli Rosengarten, l'actuel président de la communauté Agudas Achim, fondée en 1927, raconte : «La communauté était dispersée, nous ne possédions aucune vraie infrastructure comme point de ralliement. (...) Les différents groupes de prières n'atteignaient pas toujours le nombre minimum de dix hommes nécessaire pour célébrer un service religieux.» Au milieu des années quarante, le rabbin Mordechai Jaakow Breisch, dirigeant spirituel de la communauté, eut l'idée de bâtir un lieu de culte central, une synagogue.
En 1921, on avait déjà acheté le terrain de la Erikastrasse 8 sur lequel était construit une maison abritant plusieurs familles. C'est d'abord dans ce bâtiment que la communauté aménagea une salle de prières et des salles de cours pour l'école talmudique ainsi que des appartements.
Vers la fin des années quarante, l'architecte Moritz Hauser développa un nouveau concept. On prévoyait d'acquérir, grâce à l'achat des terrains alentours, la surface nécessaire à la construction d'une synagogue. En 1955, c'est à l'avocat et architecte zurichois Walter Sonanini qu'incomba la tâche de réunir les différents terrains du périmètre Erika-, West- et Bremgartenstrasse et d'en remanier les parcelles. C'est ainsi que la première pierre fut posée le 12 octobre 1959.
Walter Sonanini fut également chargé de construire la synagogue. La communauté ne lui donna «aucune directive quant à la conception et la construction de la synagogue», comme nous l'apprend Ron Epstein dans son livre : «Die Synagogen der Schweiz» (2008, p. 180). Vu que, dans le judaïsme orthodoxe, l'étude de la thora est très importante, on construisit, en plus de la salle de l'office religieux, un «bet midrasch» avec bibliothèque et salles de classe. De plus, Sonanini bâtit une entreprise de textile dans le bâtiment attenant à la synagogue.
Le 26 mars 1960, le nouveau centre de la communauté fut inauguré dans le bâtiment de forme moderne. Dès lors, il n'y eut plus de grands changements architecturaux. Néanmoins, dans les années quatre-vingts, après les attaques meurtrières sur des synagogues en Turquie, en France et en Belgique, la communauté Agudas Achim décida de faire poser des vitres pare-balles.
Eli Rosengarten est né à Zurich et y a grandi. Après avoir suivi l'école talmudique de Lucerne (aujourd'hui basée à Kriens près de Lucerne), il passa quelques années en Israël dans une jeschiwa, une école supérieure talmudique pour former les érudits et rabbins. S'engager pour la communauté juive est une tradition dans sa famille, comme il le raconte: «Mon grand-père était président de la communauté pendant la période la plus difficile, de 1933 à 1945, puis ce fut le tour de mon oncle de 1965 à 1977 et, en 1975, j'ai été moi-même élu au comité.» Le comité, qui comprend neufs membres, est, entre autres, responsable des finances, de l'entretien du bâtiment et des communications avec les médias. Les affaires religieuses sont gérées par un comité spécial de trois membres. Depuis 1998, Rosengarten est président de la communauté Agudas Achim.
Rosengarten décrit le rapport au voisinage comme «sans difficulté». Il n'y a pas de problème non plus avec la ville et les autorités. Au niveau de Zurich et même au-delà, on remarque un intérêt constant: «Nous organisons souvent des visites de la synagogue avec chaque fois quarante à cinquante visiteurs.»
Auparavant, il y avait des jets de pierres sur la façade presque tous les deux ans. «Mais depuis qu'on a changé les fenêtres, on ne peut presque plus rien détruire avec une pierre.» Il y eut également des graffitis antisémites sur les murs, mais pas plus de quatre fois depuis qu'Eli Rosengarten est président. Ce dernier ajoute: «Mais cela ne vient pas forcément des alentours.»
Rosengarten a l'impression que «c'est plus les gens que l'on remarque aux alentours que le bâtiment, en particulier lors du sabbat». «Les conducteurs qui roulent sur cette voie passante regardent tout naturellement quand ils voient des juifs vêtus de noir qui portent des bonnets de fourrure − les hassidim (...) Mais ce n'est rien de négatif, c'est juste de la curiosité.»
L'histoire de la synagogue de la Erikastrasse connaît également des chapitres plus sombres. Le 7 juillet 2001, le rabbin de 71 ans, Abraham Grünbaum a été abattu en pleine rue, sur le chemin de la synagogue. A son vêtement, on pouvait reconnaître qu'il s'agissait d'un juif orthodoxe. Le coupable ne put jamais être arrêté (2009). Un autre incident, probablement antisémite, eut lieu le 13 février 2008 : un membre de la communauté fut attaqué, à proximité de la synagogue, avec un couteau et blessé au cou − heureusement légèrement.
Jusqu'à l'exil babylonien (VIème siècle avant Jésus-Christ), les membres du peuple d'Israël se nomment «israélites» ou «hébreux». L'appellation «juif», employée pour tous les membres de ce peuple, a pour origine le rôle dominant de la tribu de Juda après l'exil.
Est considéré comme juif celui dont la mère est juive ou qui s'est converti à la religion juive selon les normes orthodoxes. Jusqu'aux Lumières, religion et nationalité sont fortement imbriquées. Alors qu'aujourd'hui des interprétations libérales ne relèvent du terme que son acception religieuse, la perspective sioniste met l'accent avant tout sur l'aspect national.
Dès le XVIIIème siècle, un grand nombre de mouvements se développent: face au défi de la modernité, les courants orthodoxes cherchent une réponse qui prenne en compte les conditions de vie changeantes et permette en même temps d'observer les commandements et traditions religieuses. Le judaïsme conservateur s'engage sur une voie médiane, essayant prudemment de transformer la tradition. Quant aux mouvements libéraux, ils entreprennent des réformes, comme l'égalité des sexes. Aussi, dans une paroisse libérale, des femmes rabbins ou cantors peuvent diriger l'office religieux. Parmi les autres courants, on compte le «reconstructionnisme» américain, qui substitue le concept du «peuple juif» (peoplehood) à celui de Dieu, et les chabad qui mettent l'accent sur des éléments mystiques. Ces mouvements se différencient aussi bien dans leur pratique cultuelle que dans leur attitude au sujet des questions socio-politiques.
Au premier plan, le pupitre (bimah) d'où on lit la thora. Derrière, le meuble contenant la thora. Sur la bimah, des tissus brodés avec beaucoup de savoir-faire reproduisent de manière typique les tables de la loi.
D'après la croyance juive, Dieu a fait alliance avec le peuple d'Israël et lui a donné ses instructions (thora). Cet enseignement, considéré comme la volonté divine, est contenu dans les 613 mitzwot de la thora, 365 interdits et 248 permissions. Au centre de l'existence juive se trouve la propension à agir en conformité avec la volonté divine. En conséquence, on insiste plus sur les enseignements portant sur les expériences et les attitudes que sur la foi. D'où une réflexion continuelle sur ces instructions divines, contenue, entre autres, dans le talmud. Ce dernier renferme une collection de discussions sur l'interprétation et l'utilisation des lois bibliques ainsi que d'innombrables thèmes et questions. Ceux-ci furent initialement abordés par les rabbins des maisons d'enseignement de Jérusalem et Babylone et furent poursuivis pendant des siècles. La loi juive, la halakha, est étroitement liée à la pratique rabbinique d'interprétation qui intègre continuellement les changements dans les conditions de vie. La promesse du retour d'un roi oint (messie) de la lignée de David appartient également aux croyances juives. On lie à cet événement l'avènement de la paix universelle et le règne de Dieu.
Jusqu'à la période contemporaine, la communauté juive d'Europe de l'Est se développa et devint la colonie juive la plus importante numériquement parlant. Les juifs de l'Est, les ashkénazes, ont fortement influencé l'image du judaïsme. En Europe de l'Ouest, cette dernière était souvent associée à des jugements négatifs.
L'école talmudique qui se situe à l'étage supérieur du bâtiment.
En Suisse, les juifs constituent la plus ancienne communauté religieuse non chrétienne. Leur présence à l'époque romaine déjà est attestée par des découvertes archéologiques. Au XIIIème siècle, des communautés juives s'installent à Lucerne, Berne, St-Gall et Zurich. Comme dans le reste de l'Europe, les juifs sont discriminés à de nombreux niveaux. Ils doivent porter un chapeau particulier, n'ont pas le droit d'être artisans et sont tenus par la loi de pratiquer le prêt d'argent, interdit aux chrétiens. Durant la deuxième guerre mondiale, la politique d'asile des autorités suisses est des plus restrictives, les réfugiés qui trouvent cependant asile en Suisse (environ 25'000) sont internés dans des camps de travail.
C'est durant la première moitié du XXème siècle que la synagogue de la Erikastrasse devint le centre du judaïsme hassidique à Zurich. D'après son président Eli Rosengarten, la communauté a légèrement grandi dans les dernières dizaines d'années et compte aujourd'hui environ 320 familles. Depuis les années soixante, les jeunes juifs orthodoxes se souviennent aussi de leurs racines hassidiques et portent le vêtement traditionnel, des papillotes ainsi que des barbes.
Le «Koscher City» est un supermarché dans lequel on ne trouve que des articles qui sont produits dans le respect des prescriptions alimentaires juives. Le magasin se trouve sur la Weststrasse, non loin de la synagogue
De tous les groupes religieux de Suisse, les juifs comptent, avec 42.7%, le plus grand nombre de personnes ayant fait des études supérieures (moyenne dans la population suisse 19.2 %). Le judaïsme suisse est urbain, les communautés de Zurich et Genève représentant à elles seules 42 % de 18'000 personnes appartenant au judaïsme. Quatre cinquièmes de ces dernières (78.8 %) sont des citoyens suisses. Depuis la première guerre mondiale le nombre de juifs a beaucoup baissé en Suisse. Dans le monde, on compte 13.3 millions de juifs, dont la plupart (10.7 millions) vivent aux USA et en Israël.