Église grecque-orthodoxe Saint-Paul
Centre Orthodoxe du Patriarcat Œcuménique
Chemin de Chambésy 37
1292 Chambésy
Type de construction: | église orthodoxe (avec un centre de congrès et des bureaux pour le patriarcat) |
Superficie bâtie: | église Saint-Paul 630 m2 - 2233 m2 (centre) - 10'798 m2 (parcelle) |
Hauteur du bâtiment: | environ 14 m |
Coût: | 6,5 millions SFr. |
Opposition: | pas connue |
Maître d'ouvrage: | patriarcat œcuménique |
Architectes: | professeur Georges Lavas et Spiess & Wegmüller Architekten SIA, Zurich |
Pose de la première pierre: | 10 avril 1971 |
Début de la construction: | 1973 |
Période de construction: | 2 ans |
Inauguration: | 19 octobre 1975 |
Tradition religieuse: | grecque-orthodoxe |
Du début du projet jusqu'à l'inauguration: | 5 ans |
Le train Genève-Lausanne nous emmène en 5 minutes jusqu'au pittoresque village de Chambésy. Sur la route conduisant au centre du village, le panneau «Centre orthodoxe» nous indique, à gauche, la direction du chemin des Cornillons. Nous nous trouvons rapidement devant un vaste parc. Au travers des branchages d'un bel arbre feuillu, on aperçoit un complexe de bâtiments modernes. En s'approchant, on remarque un toit arrondi de couleur gris foncé, dont la partie avant comporte une grande fenêtre. Cette dernière s'insère remarquablement dans les lignes de la construction de béton épurée. Des cannelures verticales confèrent de la structure aux murs de béton brut alors que la ligne horizontale prédomine dans l'ensemble de la construction. Clarté et simplicité des surfaces et lignes sinueuses sont de règle dans cette architecture.
Une tour relativement basse, ornée d'une demi coupole, se détache de l'ensemble. Avec la petite croix à son sommet, elle est l'indication la plus visible du statut du bâtiment devant lequel nous nous trouvons − l'église Saint-Paul du patriarcat œcuménique de Constantinople. L'église moderne avec sa demi-coupole est «une tentative afin d'encourager le renouveau dans la construction des églises orthodoxes» explique Georges Lavas dans un article scientifique (voir référence dans l'encadré à droite). La demi-coupole exprime la conviction qu'un univers fermé (symbolisé par la coupole entière) n'est aujourd'hui plus pensable.
En face de l'église, et relié par une cour couverte, se dresse un autre complexe de bâtiments, le «Centre Orthodoxe du Patriarcat Œcuménique», comme nous le lisons sur la pierre à gauche de l'entrée du parc. La couverture végétale sur le toit de Saint-Paul ainsi que sur les toits en forme de terrasses du centre renforcent l'insertion des bâtiments dans l'espace vert.
Au début des années soixante, le patriarche œcuménique de Constantinople, Athenagoras I, encouragea la fondation d'un centre dans la région de Genève. Ce dernier devait avoir pour but l'approfondissement des relations intraorthodoxes ainsi que la promotion du dialogue avec les autres églises chrétiennes. Le métropolite Emilianos Timiadis, représentant du patriarcat au Conseil œcuménique des Eglises de Genève, se mit à la recherche d'un lieu adéquat. En 1965, la Fondation orthodoxe du Patriarcat Œcuménique put acquérir une maison de maître avec une parcelle de plus de 10'000 mètres carrés. L'achat était intéressant en raison de la proximité du siège du Conseil œcuménique des Eglises, de différentes institutions internationales et également de l'institut œcuménique à Bossey. Le projet fut rendu possible grâce à l'initiative et au soutien financier de l'armateur Georges Lemos, domicilié à Lausanne, qui subventionna la construction de l'église. S'ajoutèrent aux donations des différentes communautés orthodoxes de substantielles sommes allouées par l'église évangélique d'Allemagne, par la conférence des évêques allemands et par l'archevêché de Cologne ainsi que par l'Action de Carême des catholiques suisses. On était de toute part enthousiasmé à l'idée que le centre puisse devenir un pont entre l'Est et Ouest. Le 3 juillet 1966, le centre fut inauguré par le patriarche Athenagoras I. L'institut, ainsi qu'une petite chapelle, étaient alors hébergés dans la maison de maître. On cessa les activités du centre pour des raisons financières en 1967 puis elles prirent un nouveau départ en 1969.
Dès l'origine, on exprima le désir de construire, en parallèle au centre orthodoxe, une église dédiée à l'apôtre Paul. Sous l'impulsion du dynamique métropolite Damaskinos Papandreou, en fonction de 1969 à 2003, la première pierre de l'église Saint-Paul fut posée le 18 avril 1971. Durant les deux années qui suivirent, le professeur Georges Lavas élabora, en collaboration avec le bureau d'architecture Spiess & Wegmüller, les plans de l'église. Au début, les maîtres d'œuvre avaient pensé à une église de style byzantin traditionnel. Les autorités locales considérèrent apparemment qu'une telle construction ne pouvait pas s'inscrire harmonieusement dans le paysage. On reprit plusieurs fois les plans afin de satisfaire à toutes les exigences. En 1973, la construction du projet définitif put commencer.
Malgré sa modernité, la construction garde quelques principes directeurs de l'architecture orthodoxe, comme la forme de croix ébauchée dans le plan de l'édifice. Le docteur Gary Vachicouras, chargé d'enseignement à l'institut du centre orthodoxe, considère l'église comme une œuvre réussie, entre une vision de continuité et de renouvellement.
Monseigneur Chrysostomos Tsiter, alors métropolite de Vienne − dont le diocèse comprenait, en plus de l'Autriche, l'Italie, la Suisse et le Liechtenstein − inaugura le 19 octobre 1975 l'église patriarcale. Lors des célébrations un petit concile interconfessionnel fut tenu: des représentants de presque toutes les églises orthodoxes autocéphales (indépendantes) étaient présents. Il y avait également de hauts représentants des églises catholique romaine, catholique-chrétienne et évangéliques ainsi que les autorités civiles et ecclésiastiques de Chambésy et de la ville et canton de Genève. Depuis sa construction, le centre a été visité par de nombreux hôtes importants, sur le plan politique comme religieux − par exemple, la visite, le 12 juin 1984, du pape Jean-Paul II et, en 2005, du conseiller fédéral Pascal Couchepin.
Le métropolite (archevêque) Jeremias Kaligiorgis vint en 2003 de Paris à Genève pour diriger la métropolie en tant que successeur du métropolite Damaskinos, ce dernier ayant démissionné pour des raisons de santé. Créée en 1983 comme métropolie autonome, elle dépend du patriarcat œcuménique de Constantinople et comprend, en plus de la Suisse, la principauté du Liechtenstein. C'est le métropolite, évêque auxiliaire, Makarios Pavlidis qui assiste la communauté grecque-orthodoxe.
Le docteur Gary Vachicouras travaille depuis 1989 pour le centre orthodoxe de Chambésy. Dès 1997, il est chargé de cours dans le cadre du master en théologie orthodoxe. A côté, il coordonne les intérêts académiques et organisationnels de l'institut. Il raconte: «Ici, nous sommes continuellement encouragés à renouveler notre potentiel théologique et, en même temps, à conserver notre continuité historique et nos racines.»
Vachicouras décrit les relations avec le voisinage et les autorités comme «excellentes». Il poursuit: «Nous sommes convaincus que les habitants de Chambésy apprécient notre présence et nous nous sentons ici comme à la maison.» Il raconte que le précédent métropolite, Damaskinos Papandreou, était invité à de nombreuses occasions dans les alentours − il tint même une fois un discours lors du premier août. Pour le chargé de cours, l'inauguration de l'église en 1975 a montré la relation avec les autorités: «Les autorités locales ont également participé. C'est un signe de solidarité et de soutien pour l'existence d'un tel bâtiment.» Le président de la commune de Pregny-Chambésy prend chaque année part aux célébrations du début d'année d'études.
L'église orthodoxe compte environ 150 à 170 millions de croyants dans le monde. Bien qu'il existe aujourd'hui 16 différentes églises orthodoxes, celles-ci se comprennent dans un sens théologique comme une seule et même église, indivisible. Les fondements communs de leur foi sont les décisions des sept conciles œcuméniques (jusqu'à et avec le deuxième concile de Nicée en 787 apr. J. C.). En conséquence, ces décisions sont communes à l'église orthodoxe et à l'église catholique romaine. Néanmoins, les vieilles rivalités et les antagonismes entre le «patriarche œcuménique et archevêque de Constantinople» d'un côté et l'église romaine de l'autre débouchèrent en 1054 sur le schisme d'Orient. Il s'ensuivit une séparation de l'église, entre église catholique-romaine et église orthodoxe, qui n'a jusqu'à nos jours pas été surmontée.
Les églises orthodoxes ont ceci de caractéristique qu'elles sont autocéphales, c'est-à-dire que chacune d'entre elles choisit librement son chef respectif, patriarche, catholicos ou archevêque. C'est ainsi que les églises orthodoxes s'opposent à la prétention de la papauté romaine au primat de la juridiction (pouvoir direct) et à l'infaillibilité pontificale en matière religieuse. Pour les églises orthodoxes, l'infaillibilité ne se trouve fondée que dans l'église dans son ensemble et ne peut être établie qu'au cours d'un long processus. Les églises orthodoxes diffèrent également des autres églises sur le rôle des sacrements et sur la question de la justification (compréhension du péché originel et de la grâce divine).
«Orthodoxe» signifie «conforme à la vraie doctrine»; l'église orthodoxe voit sa mission dans la perpétuation de l'authentique tradition de l'église des apôtres. Parmi les thèmes centraux de la croyance orthodoxe on compte l'action du Saint-Esprit, le salut par l'union avec le divin (theosis) et la compréhension de la sanctification du cosmos tout entier (metamorphosis). Les prêtres sont habituellement mariés mais ne peuvent néanmoins pas contracter un nouveau mariage s'ils deviennent veufs. Les évêques au contraire sont célibataires, et sont principalement choisis parmi les moines. Les monastères ont, dès les temps anciens, une signification importante et apparaissent comme les centres de préservation de l'identité religieuse et culturelle.
L'orthodoxie ne se voit pas en premier lieu comme instance instruisant et moralisant, mais comme une communauté glorifiant Dieu, dont la théologie est fondée sur l'expérience. La liturgie a dans la croyance orthodoxe une place centrale et doit s'adresser à tous les sens. La «sainte et divine» liturgie, le service religieux orthodoxe, dure jusqu'à plusieurs heures durant lesquelles les croyants restent habituellement debout. Des chants, forme liturgique de prière prennent une large place et sont souvent exécutés par des chœurs entraînés. Les instruments sont par contre interdits. Une iconostase (mur d'images) sépare, ou plutôt réunit la nef, où se trouvent les croyants, avec l'autel où le prêtre, diacre ou servant, se tient. La nef symbolise la sphère terrestre, le monde des êtres humains, l'autel en revanche symbolise le royaume des cieux. Pendant la liturgie, le prêtre, représentant de la communauté, se dirige au travers de la «porte du roi», la porte centrale de l'iconostase, vers l'autel de l'abside. Les bougies et l'encens, symbole du parfum des cieux, font partie intégrante de la liturgie en tant qu'expérience sensorielle.
Le patriarcat œcuménique de Constantinople, dont le siège est à Istanbul, ne comprend de nos jours pas uniquement les métropolies (évêchés) grecques-orthodoxes des territoires traditionnellement orthodoxes − dont l'ouest de la Turquie, la Crète et la république monastique du Mont Athos − mais également les métropolies des territoires où les orthodoxes se sont installés récemment. Dans l'orthodoxie, le patriarcat œcuménique a un rôle de premier plan, une sorte de «primat d'honneur». Depuis 1991, Bartholomaios I est patriarche œcuménique. Il est venu en Suisse en novembre 1995.
Pour les communautés orthodoxes les plus diverses, le centre de Chambésy, avec son église et ses deux chapelles, constitue un lieu de vie religieuse et cultuelle. L'église patriarcale Saint-Paul, Apôtre des Nations, est sous l'autorité directe du patriarcat œcuménique de Constantinople et échappe ainsi à la juridiction de la métropolie suisse. La liturgie est tenue en grec et on prie pour le patriarche œcuménique. L'église Saint-Paul est utilisée par les orthodoxes de langue grecque et, une fois par mois, par la communauté géorgienne.
Dans le sous-sol de Saint-Paul se trouve la crypte Sainte-Catherine ou Sainte-Trinité. Elle est utilisée par tous les orthodoxes qui veulent prendre part à la liturgie en français. Parmi les 200 familles de la Paroisse orthodoxe francophone il y a, par exemple, des membres des églises orthodoxes russe, serbe, syrienne, grecque et roumaine ainsi que des convertis suisses.
Dans la vieille maison se trouve la chapelle de la Résurrection qui fut, jusqu'en 1975, utilisée par la communauté grecque-orthodoxe. Aujourd'hui, des membres des communautés syrienne, libanaise, palestinienne, géorgienne et roumaine ainsi que des paroissiens du patriarcat d'Antioche se partagent ce lieu pour leurs célébrations.
Le centre orthodoxe se considère comme un établissement du patriarcat œcuménique en Occident. Il a pour but d'encourager les contacts entre les églises orthodoxes locales et de promouvoir l'unité orthodoxe. Un autre objectif est d'informer «le monde chrétien et en particulier l'Europe de l'Ouest sur le culte, l'enseignement, la tradition et la théologie de l'orthodoxie» (tiré de: Das Orthodoxe Zentrum des Ökumenischen Patriarchats Chambésy. Texte d'information distribué par le centre, Genève, s.a). C'est pourquoi le centre promeut des rencontres entre les différentes confessions chrétiennes et en particulier le dialogue entre les églises d'Orient et d'Occident. Il doit être «une fenêtre de l'Est orthodoxe sur l'Ouest et, inversement, une fenêtre de l'Ouest sur l'Est orthodoxe» (ibid.). De plus, le centre offre des espaces pour les échanges scientifiques entre théologiens orthodoxes et non-orthodoxes, qu'il s'agisse de séminaires ou de publications.
Depuis des dizaines d'années, le centre occupe une place clef entre les différentes églises orthodoxes. La première pierre fut posée par la IVème conférence panorthodoxe, qui décida en été 1968 de créer à Chambésy un «secrétariat pour la préparation du saint et grand concile de l'église orthodoxe». Le secrétariat, dirigé par le métropolite Damaskinos Papandreou, organisa, à Chambésy, plusieurs conférences panorthodoxes − entre-temps, l'organisation de ces conférences était devenue une mission principale. De même, le secrétariat fut l'instigateur de discussions théologiques et interculturelles avec des représentants des églises catholique-chrétienne, orthodoxe orientale, anglicane, évangéliques, catholique romaine et avec des représentants de l'islam et du judaïsme.
Nous remercions le docteur en théologie Maria Brun de Lucerne pour les innombrables informations importantes qu'elle nous a fournies en rapport avec ce portrait de bâtiment. Madame Brun a travaillé de 1980 à 2003 comme collaboratrice scientifique au centre orthodoxe de Chambésy.
Document
Georgios Lavas: «Zeitgenössischer orthodoxer Kirchenbau und Tradition − dargestellt am Beispiel der St. Pauls-Kirche in Chambésy», en: Una Sancta, 39. 1984, numéro 2. pages 140-145 (en allemand).