Fondation Culturelle Islamique
Mosquée et Fondation Culturelle Islamique
Chemin de Colladon 34
Petit-Saconnex
1209 Genève
Type de construction: | Mosquée |
Superficie bâtie: | 2'576 m2 (bâtiment) - 2'956 m2 (parcelle) |
Hauteur du bâtiment (Minaret): | 22 m |
Coût: | 13'000'000 SFr. |
Opposition: | Oui |
Maître d'ouvrage: | S. E. Dr. Medhat Sheikhelard, royaume d'Arabie Saoudite |
Architectes: | Zollikofer & Cie, Osman Gürdoğan et Jean-Pierre Limongelli |
Pose de la première pierre: | novembre 1975 |
Période de construction: | 2 ans et demi |
Inauguration: | 1 juin 1978 |
Tradition religieuse: | islam sunnite |
Du début du projet jusqu'à l'inauguration: | 3 ans |
Place du Petit-Saconnex, non loin du siège genevois des Nations Unies. Le but de notre voyage est la «Fondation islamique» de la grande mosquée. Le bus roule le long d'une multitude de grands complexes d'habitation et tourne dans le chemin de Colladon: «Prochain arrêt Colladon !» Nous descendons. Des deux côtés de notre chemin, les immeubles se dressent toujours. Bientôt, nous remarquons un bâtiment plutôt bas, particulier en raison de sa coupole à huit faces et entouré d'un parc arborisé. Plus nous nous approchons, plus la pointe d'une fine tour devient visible. Aucun doute: il s'agit du minaret d'une mosquée. Derrière l'entrée principale, on voit une salle surmontée d'un toit moderne en verre, aux multiples facettes − le foyer entre la fondation culturelle islamique et la salle de prières.
Un mouvement permanent domine en ce lieu, allées et venues constantes de personnes de tous âges. Les nombreux enfants donnent à cet espace déjà plein de vitalité une activité encore plus élevée. Ils vont à l'école de la fondation, dans laquelle la langue arabe et des connaissances sur le coran sont enseignées. La mosquée et le centre sont entourés sur trois côtés par des quartiers urbains à la hauteur desquels s'élève le minaret, comme nous l'apprendrons plus tard.
Tout d'abord, les musulmans de Genève se réunirent au centre islamique des Eaux-Vives, fondé au début des années soixante-dix. Avec le temps, le centre devint trop petit. En 1975, on dut l'initiative d'une nouvelle mosquée genevoise au docteur Medhat Sheikh El Ard, ancien délégué à l'ONU et médecin de famille du premier roi d'Arabie Saoudite, Abdulaziz Âl Saud. Les fils de ce dernier, les rois Faisal Bin Abdulaziz Âl Saud (règne de 1964 à 1975) et Fahd Bin Abdulaziz Âl Saud (règne de 1982 à 2005), assurèrent le financement du centre.
Lorsque l'on chercha un architecte, on accorda beaucoup d'importance à la capacité de synthèse entre les cultures orientales et occidentales. C'est pourquoi on choisit Osman Gürdogan, un architecte genevois d'origine turque. Hafid Ouardiri, jusqu'en 2007 porte-parole de la mosquée, justifie ainsi ce choix: «La culture turque est connue pour ses contacts de longue date avec l'Occident. Cet architecte était capable de réaliser un projet représentant un bon compromis entre l'architecture européenne et orientale.» Il était également considéré comme important d'intégrer les bâtiments historiques, acquis avec le terrain, dans le concept architectural. «Après l'intégration de l'histoire locale, nous pouvions également participer à l'histoire. Ainsi nous pouvions montrer que nous ne sommes pas ici pour détruire l'histoire des gens mais pour la vivifier et pour la réunir avec notre histoire.»
A l'époque, le minaret ne provoqua pas de polémique. Ouardiri raconte: «Lorsque le syndic libéral de l'époque, Jacques Vernet, vit la hauteur du minaret sur les plans, il dit: ‹Qu'est-ce que c'est pour un minaret! C'est trop riquiqui, faites-le au moins aussi haut que les bâtiments alentours.› Nous avons suivi son conseil et l'avons dessiné plus élevé.» Dans le cadre des procédures pour obtenir le permis de construire, le minaret dut cependant être réduit un petit peu. Ainsi, le premier juin 1978, la mosquée put être inaugurée en présence du président de la Confédération de l'époque, Pierre Aubert, et du roi d'Arabie Saoudite Khaled Bin Abdulaziz Âl Saud.
Hafid Ouardiri est né en Algérie et a étudié la sociologie et l'anthropologie en France. En 1972, il vint à Genève et s'engagea rapidement dans la mosquée, dont il fut le porte-parole de 1986 à 2007. Il raconte: «Je remarquais qu'il était important pour la population genevoise de mieux connaître l'islam car beaucoup avaient mal compris cette religion − d'un autre côté, il était également important de donner aux musulmans genevois la possibilité de mieux comprendre la société suisse. Ma position était le maintien des deux systèmes de valeurs.»
Youssef Ibram, d'origine marocaine, a étudié en Arabie Saoudite. Il vint en 1983 à Genève et y fut imam pendant dix ans. Il travailla ensuite à la mosquée de la Rötelstrasse à Zurich. De 2006 jusqu'en novembre 2008, il était à nouveau à Genève et exerçait la fonction de premier Imam.
Ouardiri se souvient encore de sa première expérience avec le voisinage: «Les gens étaient timidement intéressés. Ils étaient curieux de savoir si ce lieu était vraiment ouvert pour eux. Cela me poussa alors à mettre un grand tableau à l'entrée sur lequel était écrit que tous étaient les bienvenus et pouvaient entrer.» Ouardiri remarque également que les rapports avec le voisinage étaient meilleurs avant le 11 septembre 2001: «Aujourd'hui, certains voisins ont malheureusement peur de l'islam. Avant personne ne demandait d'où venait l'argent pour la construction de la mosquée. Maintenant on affirme souvent que ce centre ‹appartient à l'Arabie Saoudite›. Nous, musulmans, devons simplement démontrer que nous ne nous laissons pas manipuler.»
Youssef Ibram, l'imam, affirme: «Nous avons de très bonnes relations de voisinage. Nous avons déjà effectué de bons projets avec nos voisins, par exemple des «jours de nettoyage» durant lesquels nous allons dans les quartiers d'habitations et aidons au nettoyage. Nous organisons également des journées portes ouvertes.» Les efforts de la communauté pour entretenir de bonnes relations sont visibles dans les panneaux indicateurs sur toutes les fenêtres à l'intérieur de la mosquée: «Il est strictement interdit d'ouvrir les fenêtres pendant les prières du soir pour ne pas déranger les voisins.»
«Islam» signifie «dévouement envers Dieu». Le musulman est celui qui s'abandonne à Dieu. Le message de l'islam insiste fortement sur l'unité, l'unicité et la toute-puissance de Dieu. Cette religion s'appuie sur la tradition judéo-chrétienne, dans laquelle la lignée de tous les croyants remonte à Abraham, et compte parmi les religions monothéistes. L'islam s'est développé au VIIème siècle après Jésus-Christ sur la péninsule arabique. Le mecquois Mohammed (environ 570-632 après J-C) fut le sujet d'une révélation dès 610 et ce jusqu'à sa mort. La révélation fut mémorisée par ses partisans et rassemblée dans les dizaines d'années suivant sa mort sous la forme d'un corpus de textes arrêtés, le coran (lecture). D'après le coran, Mohammed n'est qu'un prophète parmi une longue liste d'autres prophètes envoyés par Dieu. Dernier de ceux-ci, il est porteur de l'ultime révélation et est nommé «le seau des prophètes». Dans sa ville d'origine, La Mecque, Mohammed fit face à tant d'hostilité qu'il dut partir pour Médine avec ses partisans. Il y fut bien reçu, joua le rôle de médiateur entre différentes tribus rivales et put fonder une communauté marquée religieusement
Après la mort de Mohammed, on rassembla consciencieusement les hadith sur ses faits et dires et ceux-ci devinrent la deuxième source d'orientation de la jeune communauté. Ils décrivent le comportement exemplaire du prophète dans un corpus de textes nommé sunna. C'est en référence à ce texte que l'on nomme les sunnites. Ceux-ci représentent environ quatre-vingt-dix pour cent des musulmans. Les dix pour cent restant sont majoritairement constitués de chiites. La rupture eut pour origine les luttes de succession à la mort de Mohammed, les chiites reconnaissant comme seul chef de la communauté le cousin et beau-fils du prophète, Ali. Par la suite il y eut d'autres schismes dans le chiisme. Les cinq devoirs fondamentaux (nommés «piliers») des musulmans adultes, hommes comme femmes, sont la profession de foi (schahâda, «J'atteste qu'il n'y a de dieu que Dieu et j'atteste que Mohammed est l'envoyé de Dieu»), la prière cinq fois par jour à des heures précises en direction de la Mecque (salat), l'aumône légale (zakat), le jeûne du mois de Ramadan entre le lever et coucher du soleil et le pèlerinage à La Mecque (hadj).