Association culturelle turque
Olten Türk Kültür Ocaği
Industriestrasse 2
4612 Wangen b. Olten
Type de construction: | mosquée et local de réunion de l'association |
Superficie bâtie: | 1150 m2 (bâtiment) - 2272 m2 (parcelle) |
Hauteur du bâtiment: | environ 15,5 m |
Coût: | 920'000 SFr. (achat du terrain et transformations incluses, minaret 50'000 Fr.) |
Opposition: | oui |
Maître d'ouvrage: | Olten Türk Kültür Ocagi |
Architecte: | Çelikerler, Bartin, Turquie / Hanspeter Studer, Hägendorf |
Début des transformations: | 2002 |
Durée des transformations: | 4 ans (édification du minaret le 9 janvier 2009) |
Inauguration: | 2009 |
Tradition religieuse: | islam sunnite |
Du début du projet jusqu'à l'inauguration: | environ 4 ans |
Olten, le train régional démarre, direction Soleure. Sous le regard du voyageur, la zone industrielle Hammer défile à droite alors qu'à gauche s'étendent des gravières. Quelques minutes plus tard, le train s'arrête à Wangen. La gare dans le dos, le regard porte d'abord sur le Jura. A environ 400 mètres à droite se trouve l'église catholique et le centre du village. A gauche, des maisons et des immeubles d'habitation, avec quelques jardins. Encore plus à gauche, ce qui semble être une zone industrielle : des camions stationnés, des wagons de marchandises, un passage au-dessus des voies. Et devant, à droite, à côté du quartier d'habitations, un petit complexe de bâtiments : une maison d'habitation derrière laquelle on remarque une petite tour bleue pointue. En s'approchant, on distingue qu'il s'agit d'une courte flèche, à huit faces et aux encadrements dorés, pourvue d'un petit balcon rond et fixée sur le toit de l'annexe prolongeant la maison. Elle est coiffée d'un chapeau au sommet duquel se dresse, à peine visible, une pointe d'or mat ornée de trois boules et d'une demi-lune. Devant la construction, un panneau rouge annonce : « Olten Türk Kültür Ocaği − Türkischer Kulturverein Olten ».
Comme dans beaucoup d'autres « associations culturelles » de migrants musulmans en Suisse, on trouve une mosquée dans le bâtiment de Wangen. Avant même d'être construit, le minaret qui indique l'édifice religieux fit beaucoup parler de l'association au niveau national. « L'association a été fondée en 1978 » à Olten, comme son nom l'indique, raconte son porte-parole Mustafa Karahan. En 2002, l'association acheta le terrain de la fabrique désaffectée de vernis et couleurs de Wangen − l'inscription « Rechsteiner & Co » décore encore l'entrée de la maison − désirant la transformer afin qu'elle accueille les multiples activités de l'association : des salles de prières dans les sous-sols pour hommes et pour femmes, des salles pour les ablutions, une salle contenant des tables de jeux, plusieurs salles de séjour avec de petites cuisines, d'autres pièces pour les bureaux, les séances et l'enseignement et un appartement pour l'imam. Contrairement à Olten, il y a la place à Wangen pour les presque 70 familles rattachées à l'association et même un jardin où l'on fait des pique-niques en été.
« Il n'y a pas que des Turcs » souligne Karahan « mais aussi des gens originaires des Balkans, des Arabes et des Suisses. Comme nous ne sommes pas uniquement une mosquée, mais une association et que nous disposons d'un local, d'autres gens viennent et prennent part aux différentes activités. »
Pourquoi la communauté voulait-elle un minaret pour son lieu de prières ? Karahan explique : « Chaque mosquée a normalement un minaret. Le minaret est comme la tour d'une église. En plus c'est un signe pour tous les musulmans étrangers ici : quand ils voient le minaret, ils savent : Je peux aller prier là-bas. » L'entreprise Çelikerler fabriqua le minaret en 70 jours en Turquie et, le 9 janvier 2009, on le monta avec une grue sur sa base. Dans cette base se cache la cage de l'ascenseur de l'ancienne fabrique.
Mustafa Karahan vit et travaille en Suisse depuis 1979. « En Turquie j'ai fait une formation pour devenir enseignant. Ici, je suis collaborateur dans une fabrique. » Au Conseil d'administration, on l'a désigné comme interlocuteur des médias − à l'époque du débat sur les minarets il avait naturellement beaucoup à faire. Son autre mission est plus importante à ses yeux : « Depuis longtemps j'organise les différents cours donnés par l'association : heures d'appui pour les écoliers, cours d'informatique, cours d'allemand pour les adultes, également pour les femmes, cours sur la santé, cours pour le permis de conduire. Plus de 35 femmes ont déjà reçu leur permis grâce à ce cours. On propose toujours de nouveaux cours en fonction de ce qui intéresse les gens. Parfois, la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM) nous a soutenus. »
Avant d'être finalement érigé le 9 janvier 2009, le minaret a occupé durant 4 ans l'association, les autorités locales et cantonales, les médias et même le tribunal fédéral. Il y eut tout d'abord opposition contre l'utilisation de l'ancienne fabrique par l'association comme local et comme mosquée. Les résistances du voisinage furent cependant rejetées par la Commission de construction et d'implantation de la commune. Néanmoins, la décision de la même commission fut différente lorsque, en janvier 2005, elle refusa la construction d'un minaret « symbolique » de six mètres de haut, non sonorisé. L'association fit recours auprès de Département de la construction et de la justice du canton de Soleure qui lui donna raison. Ce ne fut que la première de plusieurs étapes. Après la publication du permis de construire en septembre 2005 sept oppositions furent à nouveau déposées, parmi lesquelles une opposition collective comprenant 381 signatures et une opposition d'une paroisse locale. La Commission de construction accepta la requête des opposants, justifiant sa décision en argumentant que, par son minaret, le bâtiment devenait un édifice religieux et qu'il n'était dès lors plus admissible dans une zone industrielle. Elle ajouta que le minaret allait à l'encontre du règlement sur les constructions, qu'il n'était pas esthétiquement adapté à l'environnement et qu'il manquait des places de parc pour ce bâtiment. L'association fit alors à nouveau recours au Département cantonal de la construction et de la justice qui lui donna, derechef, raison. Deux personnes privées saisirent alors le tribunal fédéral qui, le 4 juillet 2007, statua définitivement en faveur de l'association. Il y eut toutefois encore une étape, car la Commission de construction de Wangen considéra, en automne 2007, que le délai de construction avait été dépassé. L'argument fut également rejeté par le Département cantonal de la construction.
A côté des tourments juridiques, l'association dut également supporter des attaques musclées : par deux fois, on brisa des fenêtres et, une fois, on jeta une bouteille de vin dans le bâtiment. Une autre fois, de la viande de porc fut accrochée à la porte. Néanmoins, l'association eut également quelques soutiens durant ces quatre années de turbulences, comme le raconte Mustafa Karahan : beaucoup de Suisses vinrent à la journée des portes ouvertes que l'association organisa. Et dans les journaux, on entendit également des voix qui n'avaient rien contre le minaret.
On ne parla pas seulement du minaret mais également du symbole du loup sur le logo de l'association représenté à l'entrée de la maison, sur le drapeau de l'édifice ou sur le site Internet de l'association. A l'intérieur du centre culturel, on remarque l'importance accordée, au travers de nombreux symboles et images, à la culture turque. Dans la mythologie, c'est la mère loup Asena qui, dans des temps reculés, désigna aux Turcs le chemin hors du labyrinthe de vallées de montagnes jusqu'à un territoire plus facilement habitable. Asena fut souvent utilisée comme symbole d'origine par les Turcs et ce jusqu'à aujourd'hui. Les adversaires de l'association et du minaret voient cependant un lien entre ce symbole et l'organisation turque des « loups gris » dont le nationalisme extrême s'exprima, surtout dans les années quatre-vingts, entre autres, par des attaques terroristes. Karahan est intransigeant sur ce point: « Nous n'avons aucune relation avec ces derniers. Le loup gris vient de l'histoire. Cela appartient à la culture comme le coq appartient symboliquement aux Français. » Le service intérieur de renseignement qui, en 2006, avait vaguement fait un lien entre l'association et les « loups gris » a corrigé depuis sa faute d'interprétation.
« Islam » signifie « dévouement envers Dieu ». Le musulman est celui qui s'abandonne à Dieu. Le message de l'islam insiste fortement sur l'unité, l'unicité et la toute-puissance de Dieu. Cette religion s'appuie sur la tradition judéo-chrétienne, dans laquelle la lignée de tous les croyants remonte à Abraham, et compte parmi les religions monothéistes.
L'islam s'est développé au VIIème siècle après Jésus-Christ sur la péninsule arabique. Le mecquois Mohammed (environ 570-632 après J-C) fut le sujet d'une révélation dès 610 et ce jusqu'à sa mort. La révélation fut mémorisée par ses partisans et rassemblée dans les dizaines d'années suivant sa mort sous la forme d'un corpus de textes arrêtés, le coran (lecture). D'après le coran, Mohammed n'est qu'un prophète parmi une longue liste d'autres prophètes envoyés par Dieu. Dernier de ceux-ci, il est porteur de l'ultime révélation et est nommé « le seau des prophètes ». Dans sa ville d'origine, La Mecque, Mohammed fit face à tant d'hostilité qu'il dut partir pour Médine avec ses partisans. Il y fut bien reçu, joua le rôle de médiateur entre différentes tribus rivales et put fonder une communauté marquée religieusement.
Après la mort de Mohammed, on rassembla consciencieusement les hadith sur ses faits et dires et ceux-ci devinrent la deuxième source d'orientation de la jeune communauté. Ils décrivent le comportement exemplaire du prophète dans un corpus de textes nommé sunna. C'est en référence à ce texte que l'on nomme les sunnites. Ceux-ci représentent environ quatre-vingt-dix pour cent des musulmans. Les dix pour cent restant sont majoritairement constitués de chiites. La rupture eut pour origine les luttes de succession à la mort de Mohammed, les chiites reconnaissant comme seul chef de la communauté le cousin et beau-fils du prophète, Ali. Par la suite il y eut d'autres schismes dans le chiisme. Les cinq devoirs fondamentaux (nommés « piliers ») des musulmans adultes, hommes comme femmes, sont la profession de foi (schahâda, « J'atteste qu'il n'y a de dieu que Dieu et j'atteste que Mohammed est l'envoyé de Dieu »), la prière cinq fois par jour à des heures précises en direction de la Mecque (salat), l'aumône légale (zakat), le jeûne du mois de Ramadan entre le lever et coucher du soleil et le pèlerinage à La Mecque (hadj).
En Suisse vivent environ 400'000 musulmans, dont environ 12'000 chiites. Approximativement 58% des musulmans en Suisse viennent des pays de l'ex-Yougoslavie, 21 % de la Turquie, 12% ont la nationalité suisse. Il ne faut pas oublier les 25'000 à 35'000 alevis, en majorité des adhérents turcs d'une forme particulière de chiisme qui s'est organisée indépendamment et ne se considère souvent pas comme faisant partie de l'islam.